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“En fouillant dans des archives, nous avons trouvé un texte et une chronologie autour de la lutte contre la candidature de Berlin aux Jeux Olympiques. Outre d’intéressantes références aux pratiques, aux succès et échecs du mouvement autonome à Berlin dans les années 1990, ils résonnent avec la situation actuelle.
En 1992, quand le texte a été écrit, Berlin était candidate aux Jeux Olympiques de l’an 2000. Aujourd’hui, Paris et le « Grand Paris » ont été depuis longtemps choisies pour les Jeux de 2024, et malgré les 32 années qui nous séparent, ce texte nous paraît toujours d’actualité et propose des perspectives réjouissantes.
Dans la chronologie, on retrouve une partie des actions de ce même mouvement anti-olympique berlinois, de 1990 à 1993. ça vaut le coup d’oeil, pour s’en inspirer ou simplement pour le plaisir de se plonger dans une lutte auto-organisée.
A vos marques, pret.e, -partez !”
Les formes d’action légales ne suffisent pas
Le mouvement contre les Jeux Olympiques stagne : alors que le parlement régional ne semble pas (encore) parvenir à faire prendre le cap pro-olympique à la population de Berlin, malgré une opération médiatique lourde de plusieurs millions [de deutschmark, ndlt], il n’y a que peu de traces d’une ambiance anti-olympique dans l’opinion publique et dans la rue. Des représentant.es de partis type Liste Alternative/Les Verts et quelques initiatives citoyennes aux endroits où les Jeux sont prévus se démènent certes considérablement mais on ne peut pas dire que la lutte prenne de l’ampleur. Les combats contre la restructuration et les explusions de quartiers du centre-ville sont encore bien trop peu mis en relation avec les Jeux. Pourtant, pour nous les gens d’extrême-gauche, les Jeux Olympiques seraient un bon point de départ pour faire vaciller un projet important des dirigeant.es après notre défaite sur la question de la capitale [après la chute du mur, la question de la capitale de l’Allemagne réunifiée se posait, puisque la capitale de la RFA était Bonn et celle de la RDA, Berlin Est. Cela a été l’occasion de débats et de mobilisations radicales. Berlin a finalement été choisie comme nouvelle capitale en juin 1991, ndlt]. De plus, nous avons là une occasion historique d’agir enfin depuis une position qui ne soit pas, pour une fois, totalement minoritaire. Or, pour faire réussir le mouvement anti-olympique, les formes d’action légales ne suffisent pas. La lutte doit s’exprimer davantage sur un niveau radical. Pour cela, les réflexions suivantes :
A) Des attaques directes sur les membre du Comité Olympique International. Lors d’une de leurs nombreuses visites ici à Berlin, il faudrait au mieux que l’un de ces sacs à thunes corrompu se fasse polir la tronche et que la Ligue des Sports Automobiles [Wagensportliga, manière humoristique de qualifier la vague d’incendie de véhicules par les autonomes dans les années 90] frappe un coup. Une action “seaux et vomi” réussie [Kübelaktion, type d’action très discutées dans les années 90 qui consistait à jeter des seaux mixtures répugnantes, traditionnellement des bouillies de pigeons décédés et de crottes de chien, dans des restaurants chics] lors d’un de leurs empiffrages de gala serait également appropriée. Cela ferait probablement son petit effet et pourrait pousser l’un ou l’autre membre du CIO à tendanciellement ne pas voter pour Berlin. De plus, il ira probablement raconter à son collègue ce qu’il lui est arrivé ici.
B) Attaquer les stratèges olympiques ici même. Des attaques incendiaires comme celle contre cad-map en octobre doivent s’étendre et s’intensifier, pour que les entreprises qui pensent pouvoir se faire des doigts en or avec les Jeux en prennent de la graine. Aussi, davantage de “visites” chez les bureaux d’architectes olympiques comme en mai à kreuzberg chez le “collectif de planification n°1” font sens. Ainsi, leurs plans sont très concrètement empêchés et retardés.
C) Des actions symboliques, par exemple les incendies sur les voitures de la société olympique comme en juillet. Ce genre d’action ne provoque certes pas de gros dégâts matériels, elles n’empêchent pas leurs projets directement comme en B), mais elles ont du succès dans l’opinion publique et prennent leur place dans la liste des actions anti-bourges du mois. De même, des graffitis en masse et de larges attaques contre les sponsors officiels tels que hertie, berliner bank, daimler-benz etc, dont on peut trouver des boutiques vraiment n’importe où dans la ville.
D) Déranger les grands événements. Selon le même principe que le dysfonctionnement de la manif des hypocrites du 8 novembre, n’importe quel gros événement autour des Jeux Olympiques peut être lui aussi retourné en notre faveur.
E) Ce scénario ne vaut pas seulement pour les trois quart d’année à venir, c’est-à-dire jusqu’à leur décision, mais elle est transposable sans problème à l’après, en l’occurence jusqu’à l’an 2000, au cas où Berlin l’emporterait. D) en particulier pourrait mettre notre lutte en une à un niveau international. S’il venait à se passer la même chose que le 08/11 lors de la cérémonie d’ouverture en 2000, les flics seraient encore plus débordés qu’au congrès du FMI en 1988, il y aura quatre à cinq fois plus de riches qui viendront qu’en 1988, tous devront être protégés, or comme l’a montré le congrès du FMI, ils sont tous attaquables partout lors de leurs trajets en ville. Voitures en feu sur les voies d’accès au stade olympique, carosses de luxe dégradés devant les hôtels, bombes puantes dans les bordels chicos, leur assureront des heures pleines de rebondissements dans cette ville ainsi qu’un départ anticipé.
F) Encore et toujours, il est important de respecter un partage des tâches strict pour notre but commun : AOK, la Liste Alternative, Les Verts, etc continuent leurs trucs légaux de médiatisation. Les autres agiront comme décrit ci-dessus. Les deux approches doivent se compléter et se référer l’une à l’autre.
https://autox.nadir.org/archiv/div/92_olympia.html
Chronologie
30.08.89
Un groupe de projet est mis en place dans la partie Ouest de la ville pour une candidature commune de Berlin Ouest et Berlin Est [1] à la préparation des Jeux Olympiques 2000 ou 2004.
08.01.90
Le Comité Olympique National de la RDA [2] (DDR-NOK), la Fédération Allemande des Sports et de la Gymnastique (DTSB) de la RDA et le ministre-président Modrow se déclarent favorables à cette idée.
16.01.90
Le gouvernement régional (Senat) a ouvert officiellement son Bureau Olympique. La direction du bureau est endossée par le secrétaire d’Etat Kuhn (du parti AL, Alternativen Liste für Demokratie und Umweltschutz, ancêtre des Verts de Berlin).
20.08.90
Le gouvernement régional (Senat) ferme le Bureau olympique et établit la SARL Olympia (Olympia-GmbH) en tant que société de parrainage permanente. Les premiers actionnaires seront le gouvernement régional et la Fédération Régionale du Sport de Berlin (Landessportbund Berlin). Le Bureau olympique sera officiellement dissous le 1er décembre, lorsque la SARL sera prête à fonctionner. 51 % de la future SARL restera entre les mains du gouvernement fédéral et de la ville de Berlin. Le poste de directeur général de la SARL fera l’objet d’un appel d’offres public afin d’attirer un leader international. Une publicité sera également faite dans toute l’Europe.
25.10.90
La Chambre des députés de Berlin (Abgeordnetenhaus) approuve officiellement la candidature d’Olympia 2000.
28.11.90
Pendant longtemps, AL de Berlin a tergiversé sur la question des Jeux olympiques. Pour la première fois, AL justifie publiquement son rejet.
07.03.91
Le gouvernement régional (Senat) pose officiellement sa candidature au Comité Olympique National (NOK) pour accueillir les Jeux en 2000.
11.04.91
L. Grüttke reprend la direction de la SARL-Olympia pour un salaire annuel de 290 000 et devient ainsi le premier responsable olympique de la ville.
16.09.91
Pendant trois jours, la commission exécutive du CIO se réunit au Grand Hôtel de la Friedrichstraße sous la protection de 1 500 policiers. Lors des actions et manifestations anti-olympiques appelées par l’AOK (Anti-Olympia-Komitee, Comité anti-olympique), 41 personnes sont arrêtées et certaines blessées.
18.09.91
Une critical mass (manifestation de cyclistes) organisée par l’AOK est violemment dispersée par la police. Selon des témoins oculaires, les agents ont frappé les manifestants avec des matraques en caoutchouc, ont dégonflé et crevé des pneus. La police a arrêté au moins 30 manifestants.
Lors de cette manifestation, environ 600 cyclistes ont protesté, entre autres, contre le dîner des organisateurs des Jeux olympiques du CIO devant l’autel de Pergame, qui avait lieu au même moment. La manifestation, qui a débuté à Oranienplatz, a traversé le centre de Berlin-Est. Accompagnés par le nouvel “hymne olympique”, le pim-pon-pim-pon et les lumières bleues des camionettes de police, les cyclistes ont scandé “No Olympic-City”.
20.09.91
Le directeur de la SARL-Olympia, qui s’est retrouvé sous le feu des critiques en raison de contrats douteux avec une agence de publicité, est licencié (soupçon de détournement de fonds). Son successeur : Nawrocki.
08.01.92
Des opposants aux Jeux olympiques, doués dans les travaux manuels, ont démonté une plaque du stade olympique de Berlin commémorant Carl Diem, le secrétaire général controversé des Jeux olympiques de 1936 à Berlin, et l’ont emportée sans autre forme de procès.
Dans une lettre, un groupe se faisant appeler “Kommando Lutz Grüttke” en hommage à l’ancien directeur général de la SARL-Olympia a revendiqué l’enlèvement et exigé le retrait de la candidature de Berlin à Olympia 2000 comme condition préalable à la libération du fonctionnaire sportif du Reich devenu plaque commémorative. Le maire Diepgen devrait annoncer publiquement le renoncement aux Jeux.
Au cas où la demande ne serait pas satisfaite, les guérilleros olympiques menaçaient de faire fondre impitoyablement Carl Diem.
25.01.92
Les inconnus qui ont volé la plaque commémorative de Carl Diem dans le stade olympique début janvier ont, selon leurs propres déclarations, fondu la plaque de bronze. Dans une lettre anonyme, ils affirment avoir transformé la plaque en “pattes d’oie” (note de la traduction : clous tordus permettant, une fois semés par terre, de percer les roues des véhicules).
Après le vol de la discrète plaque commémorative de 1,20 mètre de haut et 84 centimètres de large dédiée à Carl Diem, secrétaire général des Jeux olympiques de 1936 à Berlin, ils avaient exigé dans une lettre anonyme que Berlin renonce à sa candidature comme ville olympique en échange de la restitution de la plaque. Dans leur nouvelle lettre, ils affirment que le gouvernement régional (Senat) leur a offert 50 000 marks “en douce” pour le retour de la plaque. Un employé du bureau de presse du gouvernement régional ne savait rien de cette offre.
02.92
Sous le titre “Les formes d’action légales ne suffisent pas”, les autonomes appellent les militants à intensifier les actions radicales pour renverser le projet olympique.
13.04.92
Le maire de Berlin, M. Diepgen, et le président du CIO, M. Daume, annoncent officiellement la candidature olympique de Berlin au président du CIO, M. Juan Antonio Samaranch, à Lausanne.
09.07.92
Les amateurs de Jeux Olympiques ou les ennemis de JO aux doigts habiles ont découvert une nouvelle discipline. Depuis que le drapeau de Berlin 2000 avec la mascotte olympique est déployé devant les bureaux du gouvernement régional (Senat), les conseils de district et les institutions sportives de la ville, les vols de drapeaux se multiplient. Même devant la SARL-Olympia sur Breite Straße à Mitte, des voleurs ont enlevé le morceau de tissu. La même chose s’est produite devant la mairie de Pankow, la Fédération Régionale du Sport (Landessportbund) et le Forum du Sport (Sportforum) de Hohenschönhausen.
27.07.92
Le Comité Anti-Olympique envoie une lettre au CIO et aux membres du Comité Olympique National (NOK) :
“Mesdames et Messieurs du CIO, vous devez en avoir assez de la correspondance unilatérale avec des politiciens vénaux, des responsables sportifs et la mafia du bâtiment. Cette lettre vient d’un autre Berlin : le Berlin de la protestation et de la résistance contre la capitale du Reich et les Jeux Olympiques de 2000 : le chaos, les marginaux, les punks, les lesbiennes et les gays, les alternatifs, les ciseleurs de pierre, les cracheurs de feu, les travailleurs, les pauvres, les ivrognes et les fous.
Nous n’avons rien à foutre de vos hobbies, cher membre du CIO, de vos préférences sexuelles, de vos opinions idéologiques. Cela devrait vous rendre heureux.
One silver dollar
Mais néanmoins : nous aussi, nous nous faisons un honneur de vous corrompre : Dans l’enveloppe, vous trouverez un – vrai – dollar américain à votre libre disposition.
Certes, nous ne pouvons pas rivaliser avec les 300 millions du Gouvernement régional de Berlin pour la candidature olympique. Nous avons de bien meilleures choses à offrir :
… Qu’est-ce qu’une ennuyeuse conférence CIO/CNO, comparée à l’expérience authentique de conduire une Mercedes-Benz contre une véritable pluie de pavés berlinois, comme l’ont expérimenté vos collègues lors du sommet du FMI à Berlin en 1988 ?
Ou peut-être appréciez-vous la rencontre avec un jardinier des jardins ouvriers, un vrai avec sûrement un gros bide, qui vous fasse rentrer ses arguments dans la tête à coups de bêche ?
Ou bien venez avec nous dans les bidonvilles de la banlieue de Berlin, où vivent ceux qui ont dû faire place aux bâtiments olympiques !
Bien sûr, votre grand chef Samaranch aura la tâche plus facile : la proximité des gardes-frontières fédéraux et des forces de police ressemble si familièrement à la clique viriliste de la phalange franquiste et de la Guardia Civil.
Préparez-vous : Nous mettons gratuitement à votre disposition des hordes sauvages et des bandes indisciplinées, qui feront de votre séjour une expérience pétillante…..
Votez pour Berlin !
Avec le plus grand respect, votre Comité Anti-Olympia
P.S. : Au cas où vous ne seriez pas d’humeur aventureuse, que vous vous inquiéteriez pour votre cœur décrépit et que vous voteriez donc contre Berlin, veuillez nous retourner le dollar ci-joint.”
09.92
La candidature de Berlin aux Jeux olympiques d’été de 2000 rencontre de moins en moins d’approbation. Seuls 47 % des Berlinois y sont favorables et 49 % sont contre les plans de l’Olympia 2000.
06.10.92
Des inconnus ont mis le feu à la société de planification berlinoise “Cad-Map”, qui travaille pour la SARL-Olympia. Les ordinateurs utilisés par l’entreprise pour produire des plans numérisés pour l’architecture des bâtiments olympiques, entre autres, ont été incendiés. Les auteurs ont posé deux bombes incendiaires avec minuterie et ont répandu de l’essence. Dans la lettre de revendication des ennemis olympiques autonomes, on peut lire avec jubilation : “Ceux qui jouent avec les anneaux olympiques se brûlent facilement les doigts. Nous ne voulons pas de Jeux, ni à Berlin ni ailleurs.” Un “Groupe autonome Prenzlauer Berg” revendique l’attaque.
26.01.93
34 véhicules Telekom portant des publicités pour les JO ont été attaqués. Les voitures, qui étaient garées dans les Alexanderstraße, Klosterstraße et Littenstraße, étaient recouvertes de slogans tels que “NOlympia” et “NO Berlin”. Les pneus de certains véhicules ont été crevés.
17.02.93
Remise officielle de la candidature olympique de Berlin au Comité international olympique (CIO) .
Selon le Comité Anti Olympique (AOK), ses représentants se sont introduits dans le bâtiment du Comité international olympique (CIO) avant ceux de la société SARL Olympia et ont remis une “vidéo de candidature anti-Olympia” et des documents concernant le retrait de la candidature de Berlin. L’erreur n’a été remarquée que lorsque la “vraie” SARL Olympia est arrivée. Lorsque les représentants officiels de Berlin arrivent au CIO, ils sont accueillis par une soixantaine d’opposants aux Jeux avec des banderoles et des chants.
08.03.1993
Après une augmentation du nombre des attaques, la police de la Sûreté de l’État a mis en place un groupe d’enquête spécial. Ce groupe est chargé de lutter contre les infractions dirigées contre la candidature de Berlin aux Jeux Olympiques.
14.03.1993
28 agences de la Berliner Bank ont été endommagées dans plusieurs districts dans la nuit de lundi à mardi, probablement pour protester contre les projets du gouvernement régional concernant les Jeux Olympiques. Selon la police, les vitres de huit succursales – dont quatre dans les quartiers de Neukölln, Pankow et Schöneberg – ont été brisées et les serrures des autres ont été collées. Trois hommes âgés de 18 à 23 ans ont été “pris sur le fait et arrêtés”, selon un porte-parole de la police. Bien qu’il n’y ait eu aucune déclaration des accusés jusqu’à hier, la Sûreté de l’Etat suppose que “la motivation des attaques est à mettre en relation avec l’Olympia 2000”, poursuit le porte-parole de la police. Aucune lettre de revendication n’aurait encore été reçue jusqu’alors.
05.04.93
Vers 20 heures, environ 200 policiers ont pris d’assaut une maison squattée Schreiner Straße 47 pour enlever une seule banderole anti-olympique, ont arrêté 13 personnes et ont filmé les pièces, tandis que des canons à eau et des véhicules blindés de transport de troupes maintenaient les environs en échec et mat par précaution.
La bannière indiquait « Attaque des pontes olympiques – journées d’action du 17 au 21.04 » . Pendant ce temps, une commission du CIO évalue le statut de la candidature de Berlin. Les opposants aux Jeux Olympiques ont annoncé diverses actions pour marquer le coup.
13.04.93
Trois jours avant la visite du Comité international olympique (CIO), des militants opposés aux Jeux Olympiques mettent le feu à deux grands magasins. Des engins incendiaires ont été allumés chez Hertie et KaDeWe dans la nuit de mercredi à jeudi.
Chez Hertie à Neukölln, le feu s’est déclaré dans les rayons de prêt-à-porter masculin vers 0h15, le second engin incendiaire a explosé à l’étage des tapis à peine deux heures plus tard.
Un “Kommando Axel Nawrocki” a revendiqué l’attaque par téléphone auprès de plusieurs hôpitaux. Axel Nawrocki est le directeur général de la SARL Olympia berlinoise. La SARL est soutenue par ces deux chaînes de magasins en tant que sponsors.
Les dégâts matériels à Neukölln sont estimés par Hertie à plusieurs millions de marks. Les dégâts ont été principalement causés par l’eau du système d’extinction d’incendie qui s’est déclenché.
18.04.93
Une manifestation anti-olympique rassemble environ 10 000 personnes à l’occasion de la visite de plusieurs jours d’une commission d’inspection du Comité international olympique (CIO). Selon les déclarations officielles, la visite du CIO est en permanence “sécurisée” par 4 500 policiers.
19.04.93
Dimanche soir, le Kurfürstendamm était paré de vert et de blanc. Des centaines de voitures de police étaient garées en rangs presque continus de la Breitscheidt Platz à l’Olivaer Platz en stationnement interdit. Toutes les rues transversales et latérales de ce quartier ont été fermées à la circulation jusqu’à peu avant minuit, les cafés et les cinémas sont restés pratiquement vides.
Les opposants aux Jeux olympiques avaient annoncé lors de la manifestation précédente qu’ils accueilleraient à neuf heures la commission d’inspection du CIO, dont on présume qu’elle se trouve à l’hôtel Kempinski, par un “feu roulant”. Cela ne s’est pas produit, on n’a même pas entendu de sifflets autour de l’hôtel. En effet, la déambulation ainsi que le le rassemblement ont été empêchés par une nouvelle tactique policière.
Tard dans la nuit, loin du Kuhdamm, les vitres d’une banque à Prenzlauer Berg et d’un magasin Hertie à Kreuzberg ont été brisées.
20.04.93
À midi, les troupes de police, avec l’approbation du préfet, ont décroché les bannières de la FU (Freie Universität, université libre de Berlin) et de la TU (Technische Universität ; université technique de Berlin). Pendant un jour, “iih-ooh- zeh, Bonzen verhätscheln, bis sie quieken” (“seh-iih-ooh CIO, nldt, bercer les pontes jusqu’à ce qu’ils couinent”) a flotté sur le bâtiment des mathématiques dans la rue du 17 juin. Pendant quelques heures également, une banderole “Heil Samaranch” a été suspendue aux fenêtres de l’organisation étudiante des jeunes socialistes et du Centre turco-technique des sciences, sur le bâtiment principal de l’université, situé en face.
Un drap a également été décroché de l’Institut de Sociologie. On pouvait lire : “Attaquez les pontes du CIO, empêchez les Jeux olympiques”.
20.04.93
De violents affrontements avec la police ont eu lieu lundi soir lors d’une vélorution non déclarée des opposants aux Jeux olympiques. Selon la police, 40 personnes ont été arrêtées. Les quelque 500 personnes étaient parties de l’Alexanderplatz pour se rendre à l’hôtel Kempinski, autour duquel un large périmètre avait été bouclé et où le ministre fédéral de l’Intérieur Rudolf Seiters avait invité une délégation du CIO à dîner au même moment.
Des enquêtes ont été engagées contre onze manifestants.
Les manifestants avaient essayé à plusieurs reprises de rejoindre l’hôtel par des rues secondaires. Les opposants aux Jeux olympiques ont été descendus de leur vélo sans précautions ; selon les manifestants, nombreuses sont les montures qui ont été démolies au passage. Trois manifestants ont également été blessés lorsqu’un automobiliste a perdu son sang-froid dans la Hardenbergstraße et a percuté sept cyclistes. Six vélos ont également été totalement détruits à ce moment-là.
Au fur et à mesure, la vélorution s’est divisée. Environ la moitié des participants se sont rendus au Bellevue Palace. Là, la police a de nouveau été appelée à intervenir après que des fusées éclairantes aient été lancées. La police a ensuite poursuivi les manifestants dans la partie est de la ville, les dernières arrestations eurent lieu dans la Otto-Grotewohl-Strasse.
Les opposants aux Jeux Olympiques ne sont pas les seuls à avoir souffert de la présence massive des forces de sécurité. Les VIP de l’hôtel Kempinski ont dû subir des fouilles corporelles inhabituelles.
23.04.93
Un “groupe sportif populaire Flamme NOlympique” (Volxsportgruppe NOlympisches Feuer) a revendiqué l’attaque contre des véhicules Telekom dans le quartier berlinois de Wedding. Dans une lettre, les auteurs s’opposent à la participation de Telekom à la SARL Berlin 2000 Marketing. On peut y lire : “sport populaire plutôt qu’Olympia » (Volxsport statt Olympia). Lors de l’attaque de mercredi soir, deux véhicules ont été incendiés totalement et deux autres endommagés. Selon la police, les auteurs inconnus avaient aspergé les véhicules d’essence et zou !!
14.05.93
L’événement prévu le 17 mai avec Thomas Bach, membre du CIO, sur l’avenir des Jeux Olympiques n’aura pas lieu. C’est ce qu’a annoncé hier l’Institut des sciences du sport de la Freie Univeristät. La raison principale serait les problèmes de sécurité.
08.07.93
À Berlin-Est, les écrans de télévision sont restés noirs presque partout : des inconnus ont détruit les équipements de réception de Telekom pendant la nuit, ce qui a entraîné une panne totale de la télévision par câble. Le motif n’était pas clair, a déclaré un porte-parole de Telekom, mais des autocollants du mouvement anti-olympique auraient été trouvés. Les dommages s’élèveraient à environ 100 000 marks.
11.08.93
Six semaines avant la décision sur les Jeux olympiques de l’an 2000, les militants opposés aux Jeux olympiques ont intensifié leurs menaces à l’encontre du président du CIO, Antonio Samaranch. Dans une “lettre ouverte”, ils ont déconseillé à M. Samaranch de se rendre à Berlin pour le festival d’athlétisme de l’ISTAF, fin août. “Cette fois, il ne s’agira pas seulement d’œufs….. Nous avons d’autres moyens”, peut-on lire dans la lettre, rédigée en anglais et signée par un “comité d’accueil” qui en est l’expéditeur. “Votre présence n’est pas souhaitée à Berlin”, écrivent les opposants aux JO à Samaranch, à qui ils reprochent son passé sous Franco. La coordination anti-olympique, à laquelle appartiennent de nombreux groupes politiques et initiatives citoyennes, a souligné que la lettre ne provenait pas d’elle.
Fin juin déjà, un tract anti-Olympia avait été distribué par des autonomes. Dans ce document, un “groupe autonome avec des tenailles contre les JO” (Autonome Gruppe mit Kneifzangen gegen Olympia) avait annoncé un sabotage massif des Jeux Olympiques. “Nous ferons en sorte que (…) les jeux de Berlin soient un cauchemar pour vous et les sponsors”.
01.09.93
Un “Autonomes Kommando Unkraut Ex für 100,6” a revendiqué l’incendie criminel de deux véhicules appartenant à la station de radio privée “Hundert,6”. Si Berlin remporte l’appel d’offres pour les Jeux Olympiques, le Kommando annonce dans une lettre de revendication : “Nous sommes capables et désireux de transformer les Jeux Olympiques à Berlin en une fête flamboyante”.
14.09.93
Une assemblée générale est organisée au Mehringhof pour évaluer la campagne anti-olympique menée jusqu’à présent. Auparavant, une fête de rue anti-olympique avec musique en direct est organisée dans la Kreutziger Straße, dans le quartier de Friedrichshain.
15.09.93
“Berlin 2000 – Ville NOlympique” : derrière ce titre simple se cache une brochure de 42 pages sur papier glacé en quadrichromie qui a déjà été envoyée aux 91 membres du CIO qui devront se prononcer sur l’attribution des Jeux à Monte-Carlo le 23 septembre.
Pour les opposants aux Jeux Olympiques, c’est déjà certain : les gagnants des Jeux sont les habitants de Berlin et “leur opposition inflexible à la tenue des Jeux”.
Dans la mise en page et le style de la campagne officielle, ce sont en particulier les actions directes des opposants berlinois aux Jeux olympiques qui sont présentées, richement illustrées et commentées en allemand et en anglais.
Le message : les Jeux de 2000 à Berlin ne peuvent être organisés qu’au prix de mesures dignes d’un état policier ou d’atteintes psychologiques et physiques aux fonctionnaires. En guise d’exemple, une photo en couleurs montre le maire Eberhard Diepgen pendant les affrontements lors de la pose “festive” de la première pierre de la salle de cyclisme à Prenzlauer Berg. La légende indique : “Les opposants aux Jeux olympiques tentent d’attaquer le maire de Berlin (…)”. Une autre image montre un photomontage de le KaDeWE, qui a été la cible d’un incendie criminel en avril de l’année dernière, en “burning departement store”.
On y trouve également : des barricades dans la Mainzer Straße, des limousines de luxe en feu et de nombreuses bagarres de rue (“a police van attacked by young people – Berlin”). Dans une page dépliable spéciale, les actions directes des opposants aux Jeux olympiques sont énumérées en détail. Ici aussi, la couleur entre en jeu : à l’occasion d’un événement de relations publiques de la société SARL Olympia au Sportforum de Hohenschönhausen, l’eau de la piscine a été colorée avec de la peinture lumineuse. Pour les auteurs de la brochure, il ne fait aucun doute que la “résistance olympique est plus qu’un feu de paille ou la politique d’une minorité”.
Dans le texte de la brochure, qui peut être achetée pour dix marks dans les magasins du milieu qui s’y prêtent, Berlin est décrite comme une ville qui se distinguerait avant tout comme un désert social et culturel. Les Jeux Olympiques joueraient le rôle de “lubrifiant pour la mise en œuvre et la réalisation d’une Global-City” et voudraient créer un consentement pour “l’adaptation d’une ville en fonction des besoins des riches”. Mais la population berlinoise, ont-ils résumé, “ne peut pas être calmée”. (…) Au contraire, si tout continue comme ça, l’humeur anti-olympique en l’an 2000 sera prodigieuse », affirme le texte sans équivoque.
15.09.93
Après plusieurs attaques incendiaires de véhicules appartenant au sponsor olympique Telekom le week-end dernier, trois engins explosifs ont été déclenchés dans la nuit dans des bâtiments appartenant à la Berliner Bank, à Daimler-Benz et à une succursale de Hertie. Les dommages matériels s’élèvent à environ 10 000 marks. Ces trois sociétés sont titulaires d’une licence de la SARL Olympia.
16.09.93
Un gros événement intitulé “Folie olympique et terreur de la performance” (Olympiawahn und Leistungsterror) est organisé à la Technische Universität Berlin. Parmi les sujets abordés figurent l’architecture olympique de 1936 à travers l’exemple du Reichssportfeld (Terrain sportif du Reich), la signification et l’objectif des Jeux paralympiques et le rôle du CIO.
18.09.93
“Olympia-und tschüss” (“Bye bye Olympia”), telle était la devise de la marche qui s’est déroulée du Rotes Rathaus à la Senefelder Platz de Prenzlauer Berg et qui a attiré jusqu’à 18 000 personnes. En plus de l’AOK, la Bündnis 90/Die Grünen (Les Verts), le Partei des Demokratischen Sozialismus (Parti du Socialisme Démocratique) et le Neue Forum ont appelé à la marche.
La police avait 3 000 agents en service. Et formait un cordon très serré à certains endroits de la marche. Dix personnes ont été arrêtées lors des contrôles d’entrée. Quelques sacs de peinture ont volé sur les locaux de la SARL Olympia sur Breite Str., qui avaient été transformés en forteresse avec des barrières, des canons à eau et des véhicules d’évacuation.
22.09.93
A la veille de la décision d’attribution des Jeux Olympiques de 2000, un sifflet a donné le signal sur la place du Casino (Monaco) en vue de l’Hôtel de Paris, lieu d’hébergement du Comité International Olympique, peu avant 19 heures. Un peu plus tard, un premier petit groupe de NOlympiques se détache de la foule, aux cris de “Pas de JO à Berlin” et en jetant des tracts dans l’air monégasque.
Cependant, la police monégasque, qui, avec l’aide énergique de la troupe d’élite (sic) française CRS, s’est immédiatement jetée sur les Berlinois, n’a pas pu empêcher un autre groupe de manifestants de prendre d’assaut la place peu après, brandissant des banderoles et réclamant l’attention appropriée du Comité International Olympique au moyen de pétards.
Pendant une demi-heure, confusion, agitation et cris ont régné sur la place la plus célèbre de Monaco. Les forces de sécurité, qui ont même interdit aux journalistes de lire les tracts dans la rue, ont traité certains des 27 manifestants berlinois avec une grande brutalité. En revanche, un Berlinois en liesse, avec une chemise à ours jaune autour de son ventre de bière, a été autorisé à frapper un NOlympien au visage devant les CRS.
Les manifestants, ainsi que neuf touristes bavarois qui n’avaient aucun rapport avec tout ça, ont été conduits au siège de la police du port de plaisance à grand renfort de lumières bleues. La majorité d’entre eux ont été expulsés en France la nuit-même. Deux d’entre eux auraient été blessés.
23.09.93
Peu avant 20 heures, plus d’un millier d’opposants aux Jeux olympiques se sont rassemblés à l’Oberbaumbrücke devant un écran vidéo, et attendent déjà impatiemment le show down olympique. Les camionettes de la police prennent position dans les rues adjacentes.
Environ 800 NOlympiques attendent fiévreuesement la décision lors d’une fête organisée au Tränenpalast, qui affiche complet.
Vers 20h15 : Le gagnant est Sydney.
Peu de temps après, il y a quelques objets jetés sur la Falckensteinstraße. La police ne se fait pas prier à disperser le rassemblement, à coups de matraque.
Selon le gouvernement régional, la candidature de Berlin aux Jeux olympiques a coûté au trésor public près de 56 millions de marks. Le Land de Berlin a payé 44,97 millions de marks et le gouvernement fédéral 10,87 millions de marks, selon le Sénat.
Le gouvernement régional nie des coûts s’élevant à 250 millions de marks (note de la traduction : c’est-à-dire environ 127 millions d’euros), comme les Verts l’avaient déclaré.
[1] Jusqu’à la chute de l’URSS et au Traité de Moscou le 12 septembre 1990, Berlin a été divisée en deux unités, Berlin-Ouest (appartenant à la RFA, République Fédérale Allemande et contrôlée par les USA, le Royaume-Uni et la France) et Berlin-Est (appartenant à l’URSS). Cette séparation a été marquée par le Mur de Berlin, de 1961 à 1989.
[2] RDA : République Démocratique Allemande.
Traduction de la chronologie”Olympia und tchuss !”
A partir d’archives des journaux « Taz et Interim, 1989 – 1993 »
Texte d’origine en allemand : https://autox.nadir.org/archiv/chrono/olymp_chro.html