Vu sur Les Fleurs Arctiques
Samedi 27 avril à 18h aux Fleurs Arctiques, une bibliothèque pour la révolution, 45 rue du Pré Saint-Gervais Paris 19e
Les Jeux Olympiques de Paris approchent et avec ceux-ci, une offensive sécuritaire de grande ampleur : elle concerne les chômeurs (que l’on veut repousser vers l’emploi avec des contrôles de plus en plus durs, une mise en avant harcelante des métiers de la sécurité dont les formations sont quasiment les seules financées par la nouvelle instance de réemploi massif France travail) ; l’aménagement urbain, qui se dote de milliers de nouvelles caméras dont certaines utilisant la reconnaissance faciale ; et bien entendu toutes les personnes, dont beaucoup de sans-papiers sacrifiés au travail dans la construction des infrastructures nécessaires à la réalisation de ce projet d’union nationale. C’est un événement sportif où s’exprimera comme à tous les grands évènements de ce type un chauvinisme qui grandit inlassablement ces dernières années, dans un contexte de montée des tensions diplomatiques entre États (notamment des suites de la guerre en Ukraine).
La pratique du sport a explosé ces dernières années. On le retrouve partout, sur Internet, dans les affiches de pubs, à la télé, à l’école, en bas de chez soi dans les salles de sport qui ouvrent un peu partout, au taff, bref le sport semble conquérir l’espace public et cette conquête va avec la diffusion de la morale, des valeurs sportives intrinsèquement corrélées à celles du capitalisme.
Les pratiques physiques sous forme de jeu collectif prennent leurs origines dans la nuit des temps, mais depuis le XIXème siècle et la révolution industrielle, ces pratiques ont pris une dimension compétitive et concurrentielle où la performance et l’entretien du corps sain deviennent le centre de l’intérêt de la pratique et du jeu. On a appelé cette pratique le sport (le terme « sport » apparaît dans l’usage au XIXe siècle). Celle-ci s’accompagne d’une morale, d’un « esprit sportif », des « valeurs » dans lesquelles on trouve la discipline, la performance, le respect, la compétition, autant de « valeurs » qui s’accommodent parfaitement avec ce que le dieu-économie et l’État attendent de ceux qu’il sacrifient. Le sport sert de lieu de renforcement des stéréotypes sexistes et la panique morale récente autour de la place des athlètes trans ou intersexe montre que le sport est encore construit sur cette séparation, alimentée aussi, dans son versant vidéoludique : l’esport. Lors du XIXème racialiste, des JO nazis de 36, ou encore des combats de boxe lors de la ségrégation américaine la compétition sert également un discours raciste où se révélerait, dans la compétition la supériorité raciale blanche/aryenne. Le sport, ce sont aussi des belles histoires, des réussites individuelles et collectives qui prolongent le mythe du « self made man » au domaine physique et pas seulement entrepreneurial, c’est la mise à profit du corps des athlètes et de leurs performances par le capitalisme. L’exemple le plus marquant de ces dernières années étant probablement Michael Jordan, modèle par excellence de la réussite aux conditions de ce monde, dans le sport et dans l’entreprise.
Même si le sport a connu une place importante dès le XIXe siècle et encore plus au XXème siècle, il est flagrant que ces dernières années ce dernier prend une place centrale dans la gestion des corps sous le capitalisme, notamment par le biais du “bien être”. Socialement on le valorise, au travail, chez le médecin, dans les CV, à l’école, « faire du sport » est devenu une activité normale et valorisée comme on valorise le fait de ne pas boire ou de ne pas fumer, car l’adage antique « un esprit sain dans un corps sain » est passé de slogan publicitaire à norme sociale. La pratique sportive de haut niveau exerce d’ailleurs un contrôle de plus en plus strict sur les « excès » des sportifs afin de rentabiliser et maximiser les performances de leurs corps afin d’offrir un spectacle de performance toujours plus croissant. La figure du sportif est finalement celle d’un Stakhanov moderne, et les sportifs ne sont pas à blâmer plus que ceux qui les regardent.
Le développement du sport et sa diffusion de plus en plus large avec des salles ouvertes 24/7 pour permettre à tout le monde durant sa pause midi de pousser de la fonte pour oublier la dureté de son labeur va avec la restructuration du travail qui s’effectue depuis ces vingts dernières années. La prise en compte des « biens êtres » des travailleurs, de leur santé physique et mentale par leurs employeurs n’a que pour but de nous faire mieux accepter et digérer la soupe rance qu’ils nous font bouffer toute la journée. Le sport est un pacificateur social, de la prison aux banlieues post-émeutes, il est utilisé par le pouvoir comme moyen de canalisation de la rage et comme une imposition à chacun du devoir de se gérer comme un petit capital à maintenir en bonne santé pour rester productif. Mangez bougez, comme ça vous ne serez pas en arrêt maladie et continuerez à alimenter la machine économique…
Peut-on réellement aujourd’hui distinguer le sport de l’activité physique ? Existe-t-il une pratique sportive dénuée de toute la morale qui pétrit le sport ? Faut-il faire exister un sport non-compétitif ? La question que nous souhaiterions donc ouvrir avec cette discussion est comment s’attaquer au sport, à ses valeurs qui sont celles de ce monde que nous souhaitons voir disparaître.